Les inégalités directes entre femmes et hommes dans le droit fédéral suisse

SUISSE: DISCRIMINATIONS DIRECTES

Avis de droit sur mandat du BFGE

2021

Anne-Sylvie DUPONT / Zoé SEILER, Les inégalités directes entre femmes et hommes dans le droit fédéral suisse, Avis de droit sur mandat du Bureau fédéral de l'égalité entre femme et hommes (BFEG), Genève 2021.

Contribution invitée par Anne-Sylvie DUPONT, Professeure ordinaire, Universités de Genève et de Neuchâtel

À la suite d’un postulat déposé en 2019 (Po Caroni, 19.4092), le Conseil fédéral a été chargé d’établir un rapport recensant les discriminations directes contenues dans la législation fédérale. En amont, le Pôle Berenstein de l’Université de Genève a été mandaté pour établir un avis de droit recensant les différences formelles de traitement entre femmes et hommes dans le droit fédéral. Il s’agissait également d’en identifier les raisons et de se prononcer sur leur justification, afin d’identifier les discriminations directes entre femmes et hommes.
 
Au terme des recherches conduites, l’avis de droit établit que plusieurs différences de traitement identifiées reposent directement sur des motifs biologiques et physiologiques, à l’instar des règles de protection de la maternité, tout particulièrement en droit du travail et des assurances sociales. De telles différences sont considérées comme justifiées et ne soulèvent en principe pas de critique dans la doctrine juridique et dans l’opinion publique. De même, il est établi que la loi tend parfois à favoriser les femmes dans l’optique d’atteindre une égalité des sexes dans les faits et de compenser les discriminations et violences diverses dont elles sont victimes. Ainsi, la protection des femmes réfugiées dans le contexte du droit de l’asile, incarcérées dans le contexte du droit pénal, ou encore victimes de violences (Convention d’Istanbul), repose sur des motifs justifiés et n’induit pas de discrimination.
 
A l’inverse, l’étude a identifié plusieurs règles de droit fédéral opérant des différences de traitement entre femmes et hommes qui ne sont pas, ou pas suffisamment, justifiées ou justifiables par des motifs biologiques ou physiologiques, voire qui ne le sont pas du tout, et qui ne reposent pas sur un objectif de réalisation de l’égalité de fait. La différence biologique entre les femmes et les hommes ne suffit ainsi pas – ou plus – pour justifier l’existence de règles différentes en matière de filiation, de viol, de procréation médicalement assistée ou encore d’armée. Quant aux discriminations existant dans le domaine des assurances sociales (différences en matière de rentes de veuve et de veuf ou d’âge de départ à la retraite), elles sont le fruit de considérations historiques, notamment la répartition traditionnelle des tâches entre femmes et hommes, et leur justification est aujourd’hui remise en question.
 
L’analyse montre que le débat national, juridique et social, autour de ces discriminations n’a pas la même importance selon les sujets. Si l’inégalité de traitement en matière de service obligatoire est peu remise en question, les inégalités en matière de rentes de veuve ou de veuf, d’âge de départ à la retraite, ou encore dans la définition du viol, suscitent davantage de discussions. Le débat relatif à l’âge de la retraite est actuellement le plus vif, car à l’inégalité formelle s’ajoutent nombre d’inégalités matérielles résultant du partage historique des tâches entre femmes et hommes et des discriminations dans le monde du travail, qui confèrent au débat un caractère émotionnel intense. De manière générale, la protection sociale semble concentrer ainsi une part importante des inégalités formelles (et matérielles), la rectification des unes n’entraînant pas forcément celle des autres.

Accès direct à l'avis (news.admin.ch)
Direkter Link zum Gutachten (newsd.admin.ch)
Siehe auch Beitrag unter Rechtspolitik zum Bericht des Bundesrates
Voir aussi la contribution sur le rapport du Conseil fédéral dans la section Politique juridique

Gender Law Newsletter FRI 2022#1, 01.03.2022 - Newsletter abonnieren