Vie privée : prise de sang imposée à des travailleuses du sexe et divulgation de données médicales très sensibles

Spendenbutton / Faire un don
Gender Law Newsletter FRI 2024#1, 01.03.2024 - Newsletter abonnieren

EUROPE: GENDER EQUALITY

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 23 janvier 2024, Affaire O.G. et autres c. Grèce (n° 71555/12 et 48256/13)

Dans le contexte d’une opération policière menée au centre d’Athènes, 96 femmes au total, dont les requérantes, furent emmenées au commissariat de police en raison de leur activité de travailleuses du sexe. Les femmes interpellées furent soumises à un examen médical de dépistage de maladies sexuellement transmissibles. Après une prise de sang effectuée, selon les requérantes, sans recueil préalable de leur consentement ni explication de la part des autorités policières, celles diagnostiquées séropositives ont été arrêtées et, concomitamment, le procureur, a ordonné, par ordonnance, la divulgation des photos et des noms des requérantes, accompagné de la mention de leur séropositivité. On peut notamment y lire que « la société sera protégée et l’État atteindra plus aisément son but de répression des infractions susvisées, avec la révélation de la commission éventuelle d’actes similaires de leur part, par l’incitation de tous ceux qui auraient déjà eu des rapports avec elles à se soumettre à des examens médicaux et par la prévention de toute panique qui pourrait prendre tous ceux qui auraient eu des rapports avec des prostituées présentant des caractéristiques similaires. »
Les requérantes ont déposé une demande de révocation de l’ordonnance auprès du procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes. Elles estimaient que la divulgation de données personnelles sensibles les concernant était contraire à la Constitution et à la CEDH, et qu’elle était disproportionnée au but visé. Selon elles, cette demande a été rejetée sans décision écrite et sans qu’elles en fussent informées.
Le tribunal correctionnel d’Athènes a acquitté les requérantes et abrogé l’ordonnance.
Les requérantes ont ensuite introduit une plainte devant le procureur, se plaignant d’actes commis par des médecins et des policiers relativement à l’examen de dépistage du VIH qui leur avait été imposé. Le procureur a classé l’affaire sans suite. Une plainte déposée devant l’autorité pour la protection des données personnelles a également été classée par ladite autorité.
La CrEDH a conclu à la violation de l’article 8 CEDH tant concernant les prises de sang que la divulgation des informations médicales très sensibles. Concernant le test sanguin, la CrEDH relève que si l'intervention en question était certes fondée sur une combinaison de dispositions légales, aucune de ces dispositions n'indiquait la procédure à suivre, ni ne faisait référence à un dépistage qui serait effectué par les autorités policières ou judiciaires, avec ou sans le consentement de la personne concernée.
En ce qui concerne la publication des données des requérantes, se fondant sur sa décision dans une affaire similaire impliquant la même législation nationale (Margari c. Grèce), la Cour a considéré qu’il y avait une ingérence dans leur droit au respect de leur vie privée. La Cour a relevé également que le procureur n'avait pas examiné dans son ordonnance si d'autres mesures, susceptibles d'assurer un moindre degré d'exposition des requérantes auraient pu être prises en l'espèce. Il s'était contenté d'ordonner la publication des données en question, sans examiner la situation particulière de chacune des requérantes ni évaluer les conséquences potentielles pour elles d'une telle diffusion.

Accès direct à l’arrêt: (hudoc.echr.coe.int)