Mise en oeuvre du droit pénal sexuel et accès à la justice des victimes de soumission chimique

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Gender Law Newsletter FRI 2025#2, 01.06.2025 - Newsletter abonnieren

SUISSE: INTERPELLATIONS AU NIVEAU FÉDÉFRAL

Interpellations de Léonore Porchet?25.3070 «Comment améliorer l'accès à la justice pour les victimes de soumission chimique?» et 25.3071 «Les mesures du nouveau droit pénal sexuel sont-elles mises en oeuvre de manière uniforme en Suisse?» du 10 mars 2025 et avis du Conseil fédéral du 14 mai 2025 en réponse aux deux interpellations
 
L'interpellation relative à la mise en œuvre du droit pénal vise à savoir si et dans quelle mesure les manquements dans la prise en charge des victimes de viol pointés dans une étude ont été corrigés. L'interpellation relative à l'accès la justice en matière de soumission chimique vise savoir, en particulier, si le Conseil fédéral compte faciliter cet accès.

A. Mise en oeuvre du droit pénal sexuel

1) Interpellation

L'autrice de l'interpellation 25.3071 explique qu'une étude du projet Franxini de janvier 2024 a relevé, d'une part, des manquements d'uniformité et de coordination entre les autorités et de formation dans la prise en charge des victimes de viol, et d'autre part, que cette prise en charge était centrée sur les femmes adultes avec pour conséquence une exclusion de fait des personnes mineures, des personnes non-binaires et des hommes victimes de viol. L'autrice de l'interpellation demande en substance s'il a été remédié à ces manquements.

2) Avis du Conseil fédéral

Dans sa réponse, le Conseil fédéral renvoie d'abord à la compétence des cantons en ce qui concerne l'uniformité du droit pénal sexuel.
Il précise ensuite que la feuille de route  sur la violence domestique et sexuelle de la Confédération et des cantons, adoptée en avril 2021, prévoit de renforcer la coordination et fait l'objet d'un suivi qui donnera lieu à un bilan final en 2026.
Il indique aussi que la révision de la loi du 23 mars 2007 sur l’aide aux victimes (projet de loi prévu pour fin 2025), vise à «renforcer l’assistance médicale et médico-légale en faveur des victimes de violence, notamment sexuelle, et devrait contribuer à l'uniformité de la mise en oeuvre du droit pénal sexuel».
Il précise en outre qu'une coordination dans la mise en oeuvre en Suisse de la Convention du Conseil de l’Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) est assurée par le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) et que ce dernier a émis des standards minimaux afin que «les autorités de poursuite pénale en relation avec les victimes de violences domestiques, sexualisées et sexistes soient mieux sensibilisées et informées des connaissances dans ce domaine». Ces standards se fondent sur le plan d’action national 2022-2026 pour la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul (PAN CI) qui fera l'objet d'un bilan en 2026.
Enfin, tout en soulignant que «la formation initiale et continue des autorités de poursuite pénale relève de la compétence et de la responsabilité des cantons», le Conseil fédéral renvoie à deux rapports en cours.
Le premier, prévu pour fin 2025, est effectué en réponse au postulat 21.4215 de Fehlmann Rielle «Pour une protection suffisante des victimes de violences sexuelles», adopté par le Conseil national le 14 septembre 2023 et «devra examiner l’opportunité d’introduire une formation obligatoire sur la violence sexuelle et la violence envers les femmes pour les forces de l’ordre. Le Conseil fédéral prévoit également d’analyser dans ce cadre le bien-fondé d’une telle obligation pour les ministères publics et les tribunaux».
Le second rapport est effectué en réponse aux postulats 22.4565 de Patricia von Falkenstein et 22.4566 de Tamara Funiciello intitulés «De quoi les victimes de violence sexualisée ont-elles besoin?», adoptés par le Conseil national le 4 mai 2023. Il vise à «déterminer, du point de vue des victimes de violences sexuelles, les obstacles auxquels elles sont confrontées dans le cadre des poursuites pénales. Il s'agit également d'analyser les raisons pour lesquelles certaines victimes renoncent à porter plainte».

Accès direct à l'interpellation 25.3071 (https://www.parlament.ch)

B. Accès à la justice aux victimes de soumission chimique

1) Interpellation

L'autrice de l'interpellation 25.3070 définit la soumission chimique comme étant «une pratique particulièrement insidieuse qui consiste à administrer à une personne des substances altérant son discernement ou sa capacité de résistance, souvent dans le but de commettre des infractions, notamment des agressions sexuelles».
L'absence d’informations précises concernant la formation des autorités judiciaires et de poursuite pénale en matière de soumission chimique[1] compromet selon elle tant l’efficacité des enquêtes que la justice rendue aux victimes. L'autrice indique en outre que les professionnel·le·s de la santé et de la justice et police découragent souvent les victimes à effectuer des analyses et à porter plainte parce que les drogues destinées à la soumission chimique disparaissent rapidement du corps et que si la substance a disparu au moment des analyses, la victime doit entièrement supporter leur coût.
Elle demande donc au Conseil fédéral s'il confirme cette analyse, s'il prévoit des mesures pour faciliter l'accès à la justice, notamment le remboursement systématique des analyses de laboratoire en cas de suspicion de soumission chimique, et s'il peut indiquer son opinion sur le conseil donné aux victimes de ne pas porter plainte.

2) Avis du Conseil fédéral

Dans son avis, le Conseil fédéral indique que l'étude en cours citée ci-avant, destinée à répondre aux postulats 22.4565 de Patricia von Falkenstein et 22.4566 de Tamara Funiciello intitulés «De quoi les victimes de violence sexualisée ont-elles besoin?» vise à «clarifier, du point de vue des victimes de violence sexualisée, les obstacles auxquels elles sont confrontées dans le domaine des poursuites pénales. Elle devra en outre analyser pourquoi certaines victimes renoncent à faire une dénonciation».
Il rappelle également que dans le cadre de la révision en cours de la loi du 23 mars 2007 sur l’aide aux victimes précitée (pour laquelle un projet de loi est prévu pour fin 2025), «[...] [l']avant-projet prévoyait entre autres d’instaurer un droit pour chaque victime d’obtenir gratuitement l’établissement et la conservation d’une documentation médico-légale des blessures et des traces, indépendamment de l’ouverture d’une procédure pénale. Il s’agira par exemple d’effectuer des prélèvements toxicologiques en cas de soupçon de soumission chimique».
Enfin, le Conseil fédéral estime qu'il «ne peut pas se prononcer sur le contenu des conseils prodigués par des professionnels aux victimes de soumission chimique ou de violences sexuelles». Il estime que des conseils personnalisés et attentifs à la victime sont primordiaux.

[1] Cette absence de données spécifique en la matière a été indiquée par le Conseil fédéral dans son avis du 19 février 2025 en réponse à l'interpellation 24.4567 de Jessica Jacoud «Violences envers les femmes. Que fait la Suisse pour lutter contre la soumission chimique?» (cf. Newsletter 2025#1)

Accès direct à l'Interpellation 25.3070 (https://www.parlament.ch)
Pour d'autres interventions sur la soumission chimique, cf. Newsletter 2025#1 résumant le postulat 24.4607 du 20 décembre 2024 et l'interpellation 24.4567 du 20 décembre 2024 de Jessica Jaccoud au Conseil national