Imposition individuelle indépendante de l’état civil

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Gender Law Newsletter FRI 2025#3, 01.09.2025 - Newsletter abonnieren

SUISSE: ADOPTION D'UNE LOI FÉDÉRALE

Imposition individuelle indépendante de l’état civil

Loi fédérale du 20 juin 2025 sur l’imposition individuelle (délai référendaire: 9 octobre 2025)

Cette loi fédérale a été adoptée en tant que contre-projet à une initiative populaire «Pour une imposition individuelle indépendante de l’état civil (initiative pour des impôts équitables)». Cette alternative évite que les changements demandés se trouvent dans la Constitution et dès lors, qu'ils limitent les possibilités législatives futures. L'initiative a été retirée le 30 juin 2025 à condition que la loi fédérale entre vraiment en vigueur. Cette loi prévoit une imposition individuelle indépendante de l'état civil. Elle a pour conséquence que l'imposition globale des couples mariés ou sous partenariat enregistré dépend désormais de la répartition des revenus en leur sein. Cette adaptation est assortie de mesures accompagnatrices.

I. Modification opérée

La loi adoptée, qui peut encore faire l'objet d'un referendum, modifie la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (ci-après "loi sur l'impôt fédéral direct modifiée") et la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (ci-après "loi sur l'harmonisation modifiée") en prévoyant en particulier ce qui suit (cf. message fédéral, p. 3):

1.) Une imposition individuelle des couples mariés et des partenaires enregistrés est prévue aux trois niveaux de l’État, avec une attribution des revenus et des déductions à la personne contribuable «en fonction de sa situation civile et de ses autres droits légaux» (art. 8a al. 1er de la loi sur l'impôt fédéral direct modifiée et art. 3 al. 3 de la loi sur l'harmonisation modifiée), avec une attribution des revenus «à la personne qui les génère» (message fédéral, pp. 24-25; voir aussi p. 65). Cette adaptation est réalisée en supprimant l'al. 1er de l'art. 9 actuel de la loi sur l'impôt fédéral direct modifiée, selon lequel «les revenus des époux qui vivent en ménage commun sont additionnés, quel que soit le régime matrimonial», ainsi que son al. 1bis, selon lequel une addition des revenus des partenaires enregistrés vivant en ménage commun est aussi effectuée (cf. message fédéral, p. 65), et en remplaçant, d'une part, l'al. 3 de l'art. 3 actuel de la loi sur l'harmonisation modifiée qui prévoit une disposition similaire, et d'autre part, l'al. 4 de cet art. 3 qui rend l'al. 3 applicable aux partenaires enregistrés.

2.) Des mesures accompagnatrices sont prévues, et notamment, pour l’impôt fédéral direct:
a.) une répartition entre les parents des déductions relatives à chaque enfant, par moitié s'ils exercent l'autorité parentale conjointe sur l'enfant concerné (art. 35 al. 1 let. a et b de la loi sur l'impôt fédéral direct modifiée);
b.) une augmentation de la déduction pour enfants de CHF 6'700.- à CHF 12'000.- par enfant (idem); et
c.) une adaptation du barème (art. 36 de la loi sur l'impôt fédéral direct modifiée). Cette adaptation vise à permettre une baisse de charge fiscale pour une part plus importante de personnes que la part de personnes pour laquelle la charge fiscale augmentera (p. 34). Elle prévoit un abaissement des taux d'imposition pour les revenus bas et moyens, une légère hausse pour les revenus hauts et très hauts, un relèvement du montant exonéré de base, et une réduction du montant de revenu à partir duquel le taux d'imposition est maximal (message fédéral, pp. 25 et 34-35).

3.) Aucune mesure d'allègement n'est prévue pour les couples mariés dont un seul des membres perçoit des revenus d'une activité lucrative et ce, afin notamment de garantir une imposition indépendante de l'état civil et d'inciter les deux membres du couple à exercer une activité lucrative (message fédéral, p.50).

II. Contexte jurisprudentiel

En 1984, le Tribunal fédéral a estimé que les couples mariés devaient être en principe traités fiscalement de façon égale selon leur capacité globale contributive, ce qui devait être mesuré en principe selon leur revenu global quel que soit la répartition des rôles au sein des couples. Il a précisé qu'à tout le moins, dans le cas où une seule personne au sein du couple travaillait de façon rémunérée parce que l'autre personne se consacrait à l'éducation des enfants ou au soin de parents ou ne pouvait pas exercer un travail rémunéré pour des raison de santé ou en raison d'un manque d'opportunités de travail, cette situation ne pouvait pas conduire à une charge fiscale plus élevée (ATF 110 IA 7 consid. 3c). Le Tribunal fédéral a estimé enfin que les couples mariés ne pouvaient pas être chargés fiscalement plus lourdement que les couples non mariés (ATF 110 IA 7 consid. 4d).

En 1994, le Tribunal fédéral a cependant nuancé cette jurisprudence en considérant que la charge fiscale des couples mariés avec enfants pouvait être relativement plus élevée que celle des couples non mariés sans enfant et que le traitement nettement plus défavorable des couples mariés avec enfants par rapport aux couples non mariés avec enfants (en particulier en cas de répartition inégale des revenus au sein des couples) dans le canton de Zürich ne pouvait pas conduire au constat d'une violation du principe d'égalité en raison du faible nombre de couples non mariés avec enfants (ATF 120 Ia 329 consid. 6c).

III. Conséquences de la modification eu égard au message fédéral

A. Charge fiscale différente au sein des couples mariés ou sous partenariat enregistré selon la répartition des revenus

Alors que les membres des couples mariés et sous partenariat enregistré supportaient jusqu'ici une charge globale indépendante de la répartition des revenus, avec pour conséquence que leur charge globale différait par rapport aux autres couples, la modification législative prévue a l'effet inverse, à savoir pour les couples mariés ou sous partenariat enregistré une charge globale différente en fonction de la répartition des revenus mais qui est indépendante de l'état civil (message fédéral, p. 18).

B. Impact sur la charge fiscale globale de l'impôt fédéral direct pour les couples mariés

Dans le cadre de l'impôt fédéral direct, «les couples mariés dont le revenu global est assez élevé et réparti de manière relativement égale entre les conjoints [...] sont actuellement discriminés par rapport aux couples non mariés [...]. Les couples mariés disposant d'un revenu global plus faible ou réparti de façon inégale ont par contre tendance à être mieux lotis», avec une estimation selon laquelle, en 2018, parmi les couples mariés, 670'000 ont été favorisés et 610'000 ont été désavantagés (voy. message fédéral, p. 11; voir aussi p. 34). Les couples mariés sont actuellement défavorisés par rapport aux couples non mariés dans une situation comparable en particulier lorsque les deux membres du couple exercent une activité lucrative (message fédéral, p. 15).

La modification devrait alléger la charge fiscale pesant sur le revenu secondaire au sein des couples mariés dont le revenu global est réparti de manière relativement égale entre les membres du couple (voy. message fédéral, pp. 81-89). La situation des couples au revenu global réparti de façon inégale est par contre globalement alourdie, malgré des mesures accompagnatrices qui limitent l'augmentation pour les revenus faibles et moyens (message fédéral, pp. 81-82 cf. point A.2.c). Globalement, le Conseil fédéral constate cependant qu'aucune classe de revenu ne subira un alourdissement global de la charge fiscale liée à l'impôt fédéral direct. Il souligne que dans toutes les classes de revenu (à l'exception certes des deux classes les plus basses, mais ces dernières ne paient pas d'impôt fédéral), la part des contribuables dont la charge fiscale liée à l'impôt fédéral direct va baisser est plus grande que celle des contribuables dont la charge fiscale augmentera (voy. message fédéral, p. 93).

C. Incitation à générer un revenu secondaire et effet sur l'égalité des sexes

Le Conseil fédéral estime que la réforme, en allégeant la charge fiscale sur le revenu secondaire des couples mariés, aura un effet incitatif positif pour l'emploi (voy. message fédéral, pp. 98-99 et p. 101-103) et que l'augmentation de l'activité lucrative des personnes qui génèrent un revenu secondaire, en majorité des femmes, renforcera leur indépendance financière, améliorera leur situation en particulier en ce qui concerne la prévoyance-vieillesse et en cas de divorce, et renforcera l'égalité des deux membres du couple (message fédéral, pp. 105-104).

Accès direct au retrait conditionnel de l'initiative populaire opéré le 30 juin 2025 (https://www.fedlex.admin.ch)
Accès direct à la loi adoptée le 20 juin 2025 (https://www.fedlex.admin.ch)
Accès direct à l'arrêté fédéral du 20 juin 2025 concernant l'initiative populaire (https://www.fedlex.admin.ch)
Accès direct au message fédéral du 21 février 2024 relatif à la loi adoptée (https://www.fedlex.admin.ch)