Droits LGBT en régression comme question prioritaire de politique étrangère?
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Gender Law Newsletter FRI 2025#2, 01.06.2025 - Newsletter abonnieren
SUISSE: INTERPELLATION AU NIVEAU FÉDÉRAL
Interpellation 25.3389 «Droits LGBT en régression : le Conseil fédéral est-il prêt à en faire une des priorités de sa politique étrangère en matière de droits de l'homme?», déposée par Damien Cottier au Conseil national, et avis du Conseil fédéral du 21 mai 2025
Dans son interpellation, Damien Cottier constate la régression des droits LGBT dans de nombreux pays, y compris en Europe. Il relève l’importance que la Confédération «réaffirme son engagement en faveur des droits des minorités LGBT en en faisant davantage un des axes forts de sa politique extérieure». Il précise ensuite son intention de base au travers de trois questions.
Les questions de l'auteur de l'interpellation sont les suivantes:
- «Comment la Suisse réagit-elle face aux atteintes croissantes aux droits des personnes LGBT à travers le monde, notamment en Europe? A-t-elle prévu de réagir à la récente décision des autorités hongroises d’interdire la marche des fiertés et si comment?
- Le Conseil fédéral est-il prêt à faire de la promotion des droits LGBT un des axes prioritaires de sa politique extérieure en matière de droits de l’homme?
- Quelles actions concrètes la Suisse peut-elle entreprendre, tant au sein des organisations internationales que dans le cadre de ses relations bilatérales, pour soutenir davantage les minorités LGBT – et les défenseurs de leurs droits – et de lutter contre la régression de leurs droits et les répressions dont elles sont de plus en plus souvent victimes?»
Le Conseil fédéral apporte des réponses aux trois questions dans son avis du 21 mai 2025 en relevant, notamment, que «la protection des minorités et des groupes vulnérables figure parmi les priorités de la Suisse en matière de droits de l’homme».
Commentaire de Nils Kapferer
Nous avons ici avec l’interpellation de Damien Cottier un parfait exemple d’exceptionalisme, de pinkwashing et, en creux, d’homonationalisme, propice aux politiques néocolonialistes de nombreux pays occidentaux dont la Suisse, en chantre de l’extractivisme, est une digne représentante.
Nous pourrions souhaiter une interpellation qui, avant de demander à la Confédération de faire respecter les droits des personnes LGBT à l’étranger, en demande l’application en Suisse. En effet, de très nombreux aspects de la législation nationale ne sont toujours pas favorables aux minorités OSAIEGCS[1]. De plus, les politiques publiques en la matière en Suisse sont extrêmement rares et, lorsqu’elles existent, très peu dotées, que cela soit en ressources financières ou en personnel (et ceci à commencer par l’Unité LGBT du Bureau fédéral de l’égalité que les PLR ont tenté à maintes reprises d’affaiblir). Finalement, l’homophobie et, en particulier la transphobie, sont fortement présentes en Suisse comme cela ressort de nombreuses études et enquêtes.
Il serait finalement intéressant de penser de manière un peu plus holistique et ainsi de se rappeler que les personnes OSAIEGCS sont également atteintes dans leur intégrité physique et psychique par d’autres politiques indirectes comme l’accès aux soins, aux logements et à l’emploi. Or, dans aucun de ces domaines, les PLR (ni la Confédération, comme mentionné précédemment sur le travail à effectuer encore en Suisse) ne se distinguent par leurs politiques nationales ou internationales (à rappeler que la politique internationale de la Confédération est pilotée par un PLR). On rappellera également que les mesures d’austérité violentes de la Confédération (également portées par une PLR) ont frappé très fortement l’entraide et la coopération internationale, notamment en cessant tout financement à ONUSIDA.
Finalement, on relèvera l’ironie, bien que le fond soit tragique, d’un appel au respect des droits humains et, en particulier, à la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, tant le Conseil fédéral que le Parlement fédéral viennent de fouler aux pieds la CEDH, allant à l’encontre tant des engagements internationaux que du droit national, en refusant l’application de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme sur le climat dans l’affaire dite des «aînées pour le climat» (cf. newsletter 2025#1). Dans ce sens, on rappellera, concernant l’objet du Parlement 24.054 intitulé «Déclaration du Conseil national. Arrêt de la CEDH ?Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse?», que Damien Cottier ne s’y est pas opposé lors du vote le 12 juin 2024, mais s’est abstenu. C’est presque cynique une année après de rappeler l’importance d’un soutien à la CEDH. On aurait alors préféré un acte concret de soutien par un vote négatif à cette décision contraire aux droits fondamentaux, à la séparation des pouvoirs et aux respects des engagements internationaux de la Confédération.
[1] OSAIEGCS signifie «orientation sexuelle et affective, identité et expression de genre, caractéristiques de sexe»
Accès direct à l'interpellation (https://www.parlament.ch)