Politique agricole: meilleure position de la ou du partenaire dans l'agriculture

SUISSE: MESSAGE DU CONSEIL FÉDÉRAL

Commentaire par Anne CHALLANDE (présidente USPF, Nous, les femmes de l’espace rural. ensemble. compétentes. engagées.)

Les femmes dans l’agriculture: Message du Conseil fédéral sur la politique agricole PA22+

Un premier pas dans la bonne direction

La première association de paysannes s’est constituée en 1918 dans le canton de Vaud. Les femmes avaient assuré la continuité des activités agricoles pendant la guerre et ressentaient le besoin d’améliorer leur position dans l’agriculture et dans la société. Un peu plus de cent ans plus tard, cette préoccupation reste malheureusement d’actualité. Depuis le début des années 2000, différentes étapes sont franchies, aboutissant à la publication d’un rapport en 2016, intitulé Les femmes dans l’agriculture. Le Conseil fédéral y dresse un état des lieux complet sur la position économique, juridique et sociale des paysannes. Il constate des lacunes et propose différentes mesures, en particulier des modifications légales portant sur le droit matrimonial et le droit foncier rural (rapport du Conseil fédéral, p. 53).
En novembre 2018, la Confédération met en consultation son projet de politique agricole pour les années 2022 et suivantes PA22+ avec une nouveauté : une couverture sociale obligatoire pour le partenaire (voir plus bas). Si tous les acteurs de l’agriculture sont alors unanimes à reconnaître la nécessité d’une amélioration, certaines organisations, dont l’Union suisse des paysans USP, rejettent cette mesure, contestant son caractère obligatoire et le lien avec l’obtention des paiements directs. En février 2020, le message du Conseil fédéral est publié et la mesure maintenue. Compte tenu notamment du nouveau paysage politique suite aux dernières élections fédérales, l’USP a révisé sa position sur ce point. L’USPF soutient cette mesure depuis le début.
 
L’article 70a, al. 1, let. i de la loi sur l’agriculture LAgr prévoit que les paiements directs sont octroyés en autres si «le conjoint ou le partenaire enregistre? travaillant régulièrement et dans une mesure importante dans l’entreprise dispose d’une couverture sociale personnelle». La disposition se rapporte aux conjoints mariés et aux partenaires enregistrés (ci-après partenaire), aussi bien féminins que masculins n’ayant pas atteint l’âge de la retraite. Différentes exceptions sont prévues.
La couverture porte sur la perte de gain (indemnité journalière en cas de maladie et d’accident) et une prévoyance risque (invalidité et décès suite à une maladie ou un accident), dans le cadre des piliers 2b, 3a ou 3b. Cette solution ne comporte en revanche pas d’épargne ni d’obligation de verser un salaire. Elle n’a pas d’effet ni sur l’AVS ni sur l’obtention des allocations en cas de maternité. Si la couverture requise fait défaut, les paiements directs sont réduits dans une mesure suffisamment incitative, mais proportionnée. Il ne s’agit donc en réalité pas d’un véritable critère d’octroi entraînant le refus des paiements directs comme le craignent à tort certains opposants.
 
Un tiers de la main-d’œuvre agricole est constituée de femmes membres de la famille du chef d’exploitation, soit plus de 44'000 femmes en 2018. Si 30% d’entre elles sont annoncées à l’AVS en tant qu’indépendantes ou salariées de l’exploitation, les autres ne sont pas rémunérées pour cette activité. Une partie de ces dernières tire toutefois un revenu d’une activité externe qui leur permet d’obtenir non seulement un statut et une reconnaissance sociale, mais aussi une couverture sociale par ce biais.
Si la solution proposée dans la PA22+ ne comble pas toutes les lacunes, elle constitue néanmoins un pas dans la bonne direction. Garantir au partenaire qui contribue au maintien et au développement de l’exploitation familiale une protection suffisante constitue l’élément social de la durabilité voulue dans cette réforme et pour l’agriculture suisse. Certes, le projet ne pose pas de véritable obligation de rémunérer le partenaire qui travaille dans l’exploitation mais, en imposant une première base de prévoyance, il a le mérite d’ouvrir la discussion et de faire la lumière sur la situation des partenaires. La mise en place de cette solution entraînera immanquablement une réflexion globale sur les rapports financiers et juridiques de l’ensemble de la famille.
Pour améliorer véritablement la situation à long terme, gageons que les partenaires se sentiront habilités à mettre le sujet en discussion. L’USPF attend aussi une écoute et une intention progressiste de la part des exploitants et des différents acteurs de la branche. En effet, une communication et des recommandations claires apporteront un plus et contribueront à créer des conditions-cadres favorables.
 
Dans les cas où cette solution est possible financièrement, une répartition équitable et réaliste du revenu peut constituer une solution adéquate pour limiter les risques de conflit et de problèmes en cas, par exemple, de divorce ultérieur. Le partage du revenu avec le partenaire indépendant ou salarié est légalement possible et pratiqué par une partie des exploitants. Ceux-là ne relèvent à cet égard aucun effet négatif. Au contraire, les différents avantages apportés par une telle solution ne peuvent être que bénéfiques pour les familles paysannes (amélioration des futures prestations AVS/AI, possibilité de cotiser au 2e pilier, accès à l’assurance maternité, économies pécuniaires et fiscales). La rémunération du travail, effectuée tout au long de la collaboration, permet aussi de faciliter la liquidation du régime matrimonial en cas de divorce ultérieur, en évitant l’écueil de la reconnaissance a posteriori des prestations effectuées et de leur indemnisation. Le manque de liquidités pour faire face aux effets d’un éventuel jugement de divorce constitue aussi dans l’agriculture un risque fréquent. Enfin, il reste dans la liste établie en 2016 par le Conseil fédéral, d’autres mesures restées encore inexploitées et qui pourraient peut-être permettre une avancée non seulement pour les paysannes, mais aussi pour les conjoints et partenaires dans les entreprises indépendantes d’autres secteurs professionnels. L’USPF a d’ailleurs toujours cherché à établir des contacts et ouvrir la discussion dans ce sens.
 
L’Union suisse des paysannes et des femmes rurales USPF est active depuis 1932 en faveur des femmes et des familles de l’espace rural. Elle a pour objectif de promouvoir et de représenter les aspects professionnels, économiques, sociaux et culturels d’un peu plus de 53’000 membres – paysannes pour un tiers et femmes rurales pour deux tiers.
Outre son engagement au titre d’association professionnelle des paysannes (politique agricole, formation de la paysanne), l’USPF est également active sur d’autres fronts qui concernent les femmes en général comme, entre autres : égalité, stabilisation de l’AVS, révision de la LPP, représentation des femmes en politique, plateforme Aide et soutien, renforcement des compétences en vue de l’engagement (voir notre rapport annuel 2019).


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