Refus du partage de la prévoyance professionnelle pour justes motif – violation de l’obligation d‘entretien

SUISSE: DROIT DU DIVORCE

Tribunal fédéral, 6 novembre 2018, 5A_443/2018

La violation grave de l’obligation de contribuer à l’entretien de la famille peut être un juste motifs pour refuser le partage de la prévoyance professionnelle.

Selon les faits établis par les juges, pendant la durée du mariage (40 ans), l’épouse était la seule à travailler de façon à réaliser un revenu suffisant pour entretenir la famille, l’époux s’étant limité à des revenus très accessoires. En outre, il dilapidait au jeu une partie des revenus familiaux et l’épouse avait dû rembourser un emprunt de près de CHF 100'000.00 dont seul son époux avait bénéficié. De plus, le mari avait maltraité son épouse ainsi que leurs enfants tout au long de la vie conjugale et familiale. Le Tribunal fédéral considère que des situations particulièrement choquantes peuvent l’emporter sur les considérations économiques liées aux besoins de prévoyance respectifs des époux. Dans le cas concret, les tribunaux cantonaux n’ont pas violé leur pouvoir d’appréciation en refusant le partage. Dans son analyse de l’arrêt dans la newsletter droitmatrimonial.ch de décembre 2018, Anne-Sylvie Dupont se pose la question de savoir si le Tribunal fédéral reconnaîtrait un juste motif dans les cas de maltraitance, au-delà de considérations économiques. En effet, selon l’ancien droit (art. 123 al. 2 aCC), le partage ne pouvait être refusé que s’il s’avérait “manifestement inéquitable” pour des motifs tenant exclusivement à la liquidation du régime matrimonial ou à la situation économique des époux après divorce. Dans l’arrêt analysé, le Tribunal fédéral parvient à la conclusion que la violation grave de l’obligation d’entretien est un juste motif à elle seule. Anne-Sylvie Dupont considère que spécialement dans le contexte particulier du partage d’une rente au sens de l’art. 124a CC, le juge doit pouvoir tenir compte de circonstances à caractère non économique ou ne tenant pas directement à la situation de prévoyance des époux afin d’éviter qu’une personne victime de violences conjugales puisse devoir renoncer à divorcer par crainte de se voir privée d’une partie de ses ressources et de ne pouvoir subvenir à ses besoins. À propos de la prévoyance en cas de divorce, nous signalons la brochure « Prévoyance professionnelle en cas de divorce - Guide à l’intention des couples mariés et partenaires enregistré-e-s », éditée par le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes BFEG. Cette brochure (84 pages), qui traite aussi de nombreuses autres aspects du divorce, peut être téléchargée en français et en allemand ainsi que en italien.
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