Interdiction du discours haineux

EUROPE: DISCOURS HAINEUX

Cour européenne des droits de l'homme, décision du 11 juin 2020, AFFAIRE Lilliendahl c. Islande (Requête no 29297/18)

Le requérant a rédigé un commentaire suite à un article en ligne rapportant la décision de la municipalité de Hafnarfjörður de 2015 de renforcer dans l’enseignement scolaire les questions dites LGBTIQ. L’association nationale LGBTIQ Samtökin ’78 a alors déposé plainte à l’encontre du requérant, lequel a été condamné en 2016 au sens de l’article 233 (a) du Code pénal islandais. Son commentaire a en effet été jugé constitutif de menace publique, de moquerie et de diffamation ainsi que dégradant pour un groupe de personnes en lien avec leur orientation sexuelle et leur identité de genre.

En première instance, la Cour du district de Reykjavík a acquitté le requérant dans un jugement de 2017 en raison de sa liberté d’expression, d’une part, parce que selon elle, les commentaires n’avaient pas atteint le seuil nécessaire pour entrer dans le champ de l’article 233 (s) du Code pénal islandais, et d’autre part, parce que le requérant n’avait pas eu l’intention de violer la norme pénale. La Cour suprême islandaise, saisie de l’affaire, a examiné l’origine et la ratio legis de l’article 233 (a) du Code pénal islandais ainsi que la portée de la liberté d’expression, assurée par la Constitution islandaise ainsi que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). Elle a conclu que l’art. 233 (a) du Code pénal islandais constituait une base légale suffisante, dans le cas d’espèce, pour réduire la liberté d’expression du requérant. Partant, la Cour suprême islandaise l’a condamné à une amende d’un montant de 100 000 couronnes islandaises (soit environ 800 euros).
Le requérant a saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) au motif que les articles 10 (liberté d’expression) et 14 CEDH auraient été violés par la décision de la Cour suprême islandaise. Après avoir exclu l’application de l’article 17 CEDH, la CrEDH a examiné s’il y avait effectivement eu une violation des articles 10 et 14 CEDH. La CrEDH a commencé par rappeler que la liberté d’expression est un des fondements essentiels d’une société démocratique, une condition de base pour son progrès et pour l’accomplissement de chacun·e individuellement, et que les conditions de la restriction à la liberté d’expression sont bien établies dans sa jurisprudence, en particulier le respect de la proportionnalité (consid. 28 ss).
La CrEDH a estimé que, certes, la liberté d’expression du requérant avait bien été restreinte. Toutefois, après avoir rappelé sa jurisprudence concernant le discours haineux (consid. 33 ss), notamment sur la distinction entre les cas graves et les cas « moins graves » (cette dernière catégorie pouvant comprendre des propos insultants ou ridiculisant ou diffamant un groupe spécifique; consid. 36 s.), la CrEDH n'a pas vu de raison de contredire l'ârret de la Cour suprême islandaise. Par ailleurs, elle a conisdéré que l’article 233 (a) du Code pénal islandais constituait une base légale suffisante et claire (consid. 41 s.) remplissant un but légitime (consid. 43).
Finalement, la CrEDH a constaté que les propos tenus par le requérant n'avaient pas été nécessaires au débat public. Le requérant aurait pu y participer sans tenir ces propos, lesquels ne portaient pas sur la décision de la municipalité. La limitation de son droit à la liberté d’expression se justifiait par la nécessité de mettre fin au préjudice subi par une partie de la population en raison de ses propos (consid. 44).

Accès direct à l'arrêt (hudoc.echr.coe.int)