Newsletter FRI 2020#3 - Editorial

Chères lectrices, chers lecteurs

Le confinement en vue d’endiguer la maladie du coronavirus est achevé en Suisse et les écoles ainsi que les établissements de garde d’enfants sont en grand partie à nouveau ouverts. Dans de nombreuses branches, une activité professionnelle régulière est à nouveau possible. Cependant, la pandémie continue d’avoir des répercussions en Suisse, tant sur le plan sanitaire que sur les plans social et économique. Il est apparu rapidement et clairement que le sexe et d’autres facteurs de discrimination peuvent renforcer les conséquences négatives de cette crise (voir également la NL 2020#2).

Dans le cadre de la gestion de la pandémie, il convient d’établir un rééquilibrage de ces désavantages fondés sur le sexe et combinés avec d’autres facteurs de discrimination. L’exemple du travail de care montre que cela n’a pas encore été réalisé d’une façon systématique : certes, le Conseil fédéral a introduit une allocation pour perte de gain le 20 mars durant le confinement pour les parents qui ont dû interrompre leur activité lucrative en raison des fermetures d’école en vue de garder leurs enfants. Mais ce n’est qu’un mois plus tard que cette mesure a été étendue à d’autres situations de prise en charge. En outre, aucune interruption de l’activité lucrative n’a été reconnue lorsque le travail pouvait être exercé en home office, avec pour conséquence une absence de droit à une allocation pour perte de gain (ce qui est explicitement indiqué dans le commentaire de l’ordonnance sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19) du 20 mars 2020). Cette approche se fonde sur la supposition irréaliste que la garde d’enfants ou d’autres personnes ayant besoin d’aide pourrait être réalisée accessoirement à l’activité lucrative exercée à la maison, ce qui témoigne d'une méconnaissance de la nécessité, des exigences, de la valeur du travail de care et de l’investissement en temps qu’il implique. Une étude confirme en outre que durant le confinement, les travaux de care supplémentaires nécessaires ont été davantage pris en charge par des femmes*, de sorte que ce sont principalement des mères qui ont dû supporter les conséquences du manque de protection assurée par l’allocation pour perte de gain (heures supplémentaires et désavantages dans l’avancement professionnel). De plus, les femmes*, souvent issues de l’immigration, sont surreprésentées dans les activités «d’importance systémique» de soins et de vente. Elles n’ont certes pas à faire face à l’incompatibilité entre le «homeschooling» et le «home office» parce que leur présence physique à leur lieu de travail est exigée. Le contact avec les patient·e·s ou les client·e·s implique cependant un risque plus grand de contamination qui entraîne également un plus grand stress psychologique pour elles et leurs proches. Enfin, les femmes* sont également surreprésentées dans des relations de travail précaires et informelles, en particulier dans les ménages privés. La crise les touche de façon particulièrement dure parce qu’en raison de leur statut irrégulier, elles passent à travers les mailles de tous les filets de sécurité sociale.

De tels désavantages fondés sur le sexe (combinés avec d’autres facteurs de discrimination) doivent être mieux pris en compte à l’avenir dans la planification des mesures de lutte contre la pandémie et ses répercussions sociales et économiques. Plusieurs comités de protection internationale des droits humains le recommandent aussi. L’Institut suisse d’études juridiques féministes et Gender Law (FRI), tout comme d’autres organisations (p. 13 du rapport sur les résultats de la consultation), a pris position en ce sens concernant le projet de loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19). Le FRI a rappelé que conformément à la loi sur le Parlement (art. 141 al. 2 let. i), le Conseil fédéral devrait expliquer dans son message les conséquences que le projet aura sous l’angle de l’égalité entre hommes et femmes. Pour ce faire, un instrument d’analyse d’impact sur l’égalité est disponible. Vous, chères lectrices et chers lecteurs, êtes chaleureusement invité.e.s à notre activité du 3 octobre à Berne. Avec l’aide de cet outil, nous y discuterons ensemble les aspects liés à l’égalité de la législation relative au COVID-19.


Pour la rédaction:
Michelle Cottier, Alexandre Fraikin, Sandra Hotz, Manuela Hugentobler, Nils Kapferer, Meret Lüdi (rédactrice responsable) et Rosemarie Weibel