Victimisation secondaire dans le cadre de poursuites pénales pour violences sexuelles

EUROPE: DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE EN PROCÉDURE PÉNALE

Cour européenne des droits de l'homme, arrêt, 27 mai 2021, J.L. c. Italie (requête n° 5671/16).
Une femme (J.L.) avait déposé plainte en 2008 contre sept hommes pour viol en bande au terme d’une soirée où elle avait été sous l’influence de l’alcool. Au terme de la procédure achevée par un arrêt de la Cour d’appel de Florence en 2015, tous les prévenus avaient été acquittés.

J.L. avait alors saisi la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après «la Cour») pour violation de l’article 8 CEDH en invoquant que la procédure pénale ne l’avait pas protégée de façon effective et n’avait pas protégé son droit à la vie privée et à l’intégrité personnelle. Dans son arrêt, la Cour relève d’abord que l’enquête pénale a été menée avec la diligence requise (points 123 à 125) et que l’équilibre à ménager entre le respect des droits de la défense et l’intégrité personnelle ainsi que la dignité de la victime a été respecté tant durant l’enquête que lors les audiences devant les cours et tribunaux (points 126 à 133). Par contre, la Cour juge «essentiel que les autorités judiciaires évitent de reproduire des stéréotypes sexistes dans les décisions de justice, de minimiser les violences contre le genre et d’exposer les femmes à une victimisation secondaire en utilisant des propos culpabilisants et moralisateurs propres à décourager la confiance des victimes dans la justice» (point 141). Or, elle relève que «le langage et les arguments utilisés par la cour d’appel [de Florence] véhiculent les préjugés sur le rôle de la femme qui existent dans la société italienne et qui sont susceptibles de faire obstacle à une protection effective des droits des victimes de violences de genre en dépit d’un cadre législatif satisfaisant» (point 140). En particulier, elle considère que dans son arrêt, la Cour d’appel de Florence s’est exprimée inutilement et de façon inappropriée sur «la condition familiale de la requérante, ses relations sentimentales, ses orientations sexuelles ou encore ses choix vestimentaires ainsi que l’objet de ses activités artistiques et culturelles». Elle estime dès lors que la motivation de l’arrêt de la Cour d’appel de Florence a porté atteinte à la vie privée et à l’image de J.V. sans que cela n’ait été nécessité par les droits de la défense (points 136-138). Par conséquent, elle considère que la requérante n'a pas été protégée d’une victimisation secondaire lors de la rédaction de cet arrêt, alors pourtant qu’il présente un caractère public (point 142). La Cour conclut donc à une violation de l’article 8 CEDH (point 143).

Accès direct à l'arrêt (hudoc.echr.coe.int)
Accès direct au communiqué de presse (hudoc.echr.coe.int)

FRI - Gender Law Newsletter 2021#3 - IV.1