Sa femme n'est pas intégrée, donc il n'est pas intégré

SUISSE: FRIBOURG, DROIT DE CITÉ

Tribunal cantonal de Fribourg, 6 février 2020 (601 2018 325)

Le Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté la demande de naturalisation d'un candidat ressortissant du Kosovo né en 1982, arrivé en Suisse en 1990 avec ses parents, marié avec une compatriote qui le rejoint en 2010, parce que sa femme n'est pas intégrée.

Selon la législation cantonale, comme critère d'intégration est pris en compte «l'encouragement et le soutien de l'intégration du conjoint ou de la conjointe, du ou de la partenaire enregistré ou des enfants mineurs sur lesquels est exercée l'autorité parentale» (art. 8 al. 2 lit. f LDCF ) (à niveau fédéral: art. 8 OLN). Cet encouragement peut avoir lieu en les aidant «à apprendre une langue nationale, à participer à la vie économique ou à acquérir une formation, à participer à la vie sociale et culturelle de la population suisse ou encore à mieux s’intégrer au moyen d’autres activités, notamment en les incitant à entretenir des contacts avec des Suisses». Dans le cas concret, l’activité de l’épouse est celle de mère au foyer, ses loisirs et ses fréquentations sont intégralement centrés sur sa famille, dans le cadre de laquelle la langue parlée est l'albanais. Les cours de français ont été interrompus dès qu’elle a été enceinte de son premier enfant, bien qu’elle ait maintenu des contacts avec les voisins, essentiellement par le biais de ses enfants. «Chez nous c’est comme ça», a-t-elle répondu lors de son audition.
«En l'espèce, le fait que le recourant ait maintenu son épouse dans le mode de vie du pays d'origine alors qu'en parallèle il sollicite la naturalisation pour lui-même et leurs enfants communs atteste d'un défaut d'imprégnation aux références de la vie sociale en Suisse et marque une distance significative avec la culture suisse.»

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Commentaire par Rosemarie Weibel
Ce candidat à la naturalisation a fréquenté les écoles en Suisse, parle parfaitement le français, est familiarisé avec les us et coutumes fribourgeois et comme maints Suisses ne s’intéresse que peu à la politique nationale et internationale et pratique une vie familiale avec répartition traditionnelle des tâches. Professionnellement il occupe un poste de case manager au sein de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité, la situation financière est saine. Son seul « handicap » est donc le fait que sa vie familiale se passe entièrement en famille, avec une femme mariée au pays d’origine.
Or, d’une part on peut justement lui reprocher de ne pas avoir soutenu activement l’intégration de sa femme en omettant de l’encourager à mieux apprendre le français, d’acquérir une formation ou du moins des contacts extra-familiales en Suisse (elle l’a rejoint à l’âge de 20 ans). Il n’a pas non-plus favorisé l’indépendance de sa femme au moins potentielle (vu que le mariage n’est plus une assurance à vie). D’autre part, on peut se demander tout-de-même si la procédure de naturalisation est le moyen pour obtenir ces efforts, soit du requérant, soit de son conjoint ou s’il n’y a pas là plutôt ou aussi un problème d’accueil, de politique familiale et de voisinage, de conciliation famille-travail, ainsi que de respect du choix de vie.